Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/143

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être remarquée, parce que j’étais avec vous… autrement on m’aurait suivie… Être si près de lui et ne pas le voir !… Pourquoi ne viendriez-vous pas avec moi voir mon pauvre frère ? Vous lui feriez tant de plaisir !

— Mais, Colomba… ce ne serait pas convenable de ma part.

— Je comprends. Vous autres femmes des villes, vous vous inquiétez toujours de ce qui est convenable ; nous autres femmes de village, nous ne pensons qu’à ce qui est bien.

— Mais il est si tard !… Et votre frère que pensera-t-il de moi ?

— Il pensera qu’il n’est point abandonné par ses amis, et cela lui donnera du courage pour souffrir.

— Et mon père, il sera si inquiet…

— Il vous sait avec moi… Eh bien ! décidez-vous… Vous regardiez son portrait ce matin, ajouta-t-elle avec un sourire de malice.

— Non… vraiment, Colomba, je n’ose… ces bandits qui sont là…

— Eh bien ! ces bandits ne vous connaissent pas, qu’importe ? Vous désiriez en voir !…

— Mon Dieu !

— Voyons, mademoiselle, prenez un parti. Vous laisser seule ici, je ne le puis pas ; on ne sait pas ce qui pourrait arriver. Allons voir Orso, ou bien retournons ensemble au village… Je verrai mon frère… Dieu sait quand… peut-être jamais…

— Que dites-vous, Colomba ?… Eh bien ! allons ! mais pour une minute seulement, et nous reviendrons aussitôt.

Colomba lui serra la main, et, sans répondre, elle se mit à marcher avec une telle rapidité que miss Lydia avait peine à la suivre. Heureusement Colomba s’arrêta bientôt en disant à sa compagne : « N’avançons pas davantage avant de les avoir prévenus ; nous pourrions peut-être attraper