Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/150

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— Chut ! s’écria Colomba ; j’entends un cheval, nous sommes sauvés.

En effet, un cheval qui passait dans le mâquis, effrayé par le bruit de la fusillade, s’approchait de leur côté.

— Chut ! Nous sommes sauvés ! répéta Brandolaccio. Courir au cheval, le saisir par les crins, lui passer dans la bouche un nœud de corde en guise de bride, fut pour le bandit, aidé de Colomba, l’affaire d’un moment : Prévenons maintenant le curé, dit-il. — Il siffla deux fois ; un sifflet éloigné répondit à ce signal, et le fusil de Manton cessa de faire entendre sa grosse voix. Alors Brandolaccio sauta sur le cheval. Colomba plaça son frère devant le bandit, qui d’une main le serra fortement, tandis que de l’autre il dirigeait sa monture. Malgré sa double charge, le cheval, excité par deux bons coups de pied dans le ventre, partit lestement et descendit au galop un coteau escarpé où tout autre qu’un cheval corse se serait tué cent fois.

Colomba revint alors sur ses pas, appelant miss Nevil de toutes ses forces, mais aucune voix ne répondait à la sienne… Après avoir marché quelque temps à l’aventure, cherchant à retrouver le chemin qu’elle avait suivi, elle rencontra dans un sentier deux voltigeurs qui lui crièrent qui vive ?

— Eh bien ! messieurs, dit Colomba d’un ton railleur, voilà bien du tapage. Combien de morts ?

— Vous étiez avec les bandits, dit un des soldats, vous allez venir avec nous.

— Très-volontiers, répondit-elle ; mais j’ai une amie ici, et il faut que nous la trouvions d’abord.

— Votre amie est déjà prise, et vous irez avec elle coucher en prison.

— En prison ? c’est ce qu’il faudra voir ; mais, en attendant, menez-moi auprès d’elle.

Les voltigeurs la conduisirent alors dans le campement des bandits, où ils rassemblaient les trophées de leur