Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/159

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— Oh ! je ne vous promets pas de m’en servir comme vous ; mais, soyez tranquille, quand un autre l’aura, vous pourrez bien dire que Brando Savelli a passé l’arme à gauche.

— Et vous, Castriconi, que vous donnerai-je ?

— Puisque vous voulez absolument me laisser un souvenir matériel de vous, je vous demanderai sans façon de m’envoyer un Horace du plus petit format possible. Cela me distraira et m’empêchera d’oublier mon latin. Il y a une petite qui vend des cigares, à Bastia, sur le port ; donnez-le-lui, et elle me le remettra.

— Vous aurez un Elzevir, monsieur le savant ; il y en a précisément un parmi les livres que je voulais emporter. — Eh bien ! mes amis, il faut nous séparer. Une poignée de main. Si vous pensez un jour à la Sardaigne, écrivez-moi ; l’avocat N. vous donnera mon adresse sur le continent.

— Mon lieutenant, dit Brando, demain, quand vous serez hors du port, regardez sur la montagne, à cette place ; nous y serons, et nous vous ferons signe avec nos mouchoirs.

Ils se séparèrent alors ; Orso et sa sœur prirent le chemin de Cardo, et les bandits, celui de la montagne.

XXI.

Par une belle matinée d’avril, le colonel sir Thomas Nevil, sa fille, mariée depuis peu de jours, Orso et Colomba, sortirent de Pise en calèche pour aller visiter un hypogée étrusque, nouvellement découvert, que tous les étrangers allaient voir. Descendus dans l’intérieur du monument, Orso et sa femme tirèrent des crayons et se mirent en devoir d’en dessiner les peintures ; mais le colonel et Colomba, l’un et l’autre assez indifférents pour