Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/210

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m’accorder un moment d’entretien ? — Volontiers, répondit don Juan, et il s’appuya contre un pilier, je vous écoute. — Périco regarda de tous côtés d’un air d’inquiétude, comme s’il craignait d’être observé, et se rapprocha de don Juan pour lui parler à l’oreille, ce qui paraissait une précaution inutile, car il n’y avait personne qu’eux dans la vaste galerie gothique où ils se trouvaient. — Après un moment de silence : — Pourriez-vous me dire, seigneur don Juan, demanda l’étudiant d’une voix basse et presque tremblante, pourriez-vous me dire si votre père a réellement connu le père de don Garcia Navarro ?

Don Juan fit un mouvement de surprise. — Vous avez entendu don Garcia le dire à l’instant même.

— Oui, répondit l’étudiant, baissant encore plus la voix ; mais enfin avez-vous jamais entendu dire à votre père qu’il connût le seigneur Navarro ?

— Oui sans doute, et il était avec lui à la guerre contre les Morisques.

— Fort bien ; mais avez-vous entendu dire de ce gentilhomme qu’il eût… un fils ?

— En vérité, je n’ai jamais fait beaucoup d’attention à ce que mon père pouvait en dire… Mais à quoi bon ces questions ? Don Garcia n’est-il pas le fils du seigneur Navarro ?… Serait-il bâtard ?

— J’atteste le ciel que je n’ai rien dit de semblable, s’écria l’étudiant effrayé en regardant derrière le pilier contre lequel s’appuyait don Juan ; je voulais vous demander seulement si vous n’aviez pas connaissance d’une histoire étrange que bien des gens racontent sur ce don Garcia ?

— Je n’en sais pas un mot.

— On dit…, remarquez bien que je ne fais que répéter ce que j’ai entendu dire…, on dit que don Diego Navarro avait un fils qui, à l’âge de six ou sept ans, tomba malade