Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/211

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d’une maladie grave et si étrange, que les médecins ne savaient quel remède y apporter. Sur quoi le père, qui n’avait pas d’autre enfant, envoya de nombreuses offrandes à plusieurs chapelles, fit toucher des reliques au malade, le tout en vain. Désespéré, il dit un jour, m’a-t-on assuré…, il dit un jour en regardant une image de saint Michel : — Puisque tu ne peux pas sauver mon fils, je veux voir si celui qui est là sous tes pieds n’aura pas plus de pouvoir.

— C’était un blasphème abominable ! s’écria don Juan, scandalisé au dernier point.

— Peu après l’enfant guérit…, et cet enfant… c’est don Garcia !

— Si bien que don Garcia a le diable au corps depuis ce temps-là, dit en éclatant de rire don Garcia, qui se montra au même instant et qui paraissait avoir écouté cette conversation caché derrière un pilier voisin. — En vérité, Périco, dit-il d’un ton froid et méprisant à l’étudiant stupéfait, si vous n’étiez pas un poltron, je vous ferais repentir de l’audace que vous avez eue de parler de moi. — Seigneur don Juan, poursuivit-il en s’adressant à Maraña, quand vous nous connaîtrez mieux, vous ne perdrez pas votre temps à écouter ce bavard. Et tenez, pour vous prouver que je ne suis pas un méchant diable, faites-moi l’honneur de m’accompagner de ce pas à l’église de Saint-Pierre ; lorsque nous y aurons fait nos dévotions, je vous demanderai la permission de vous faire faire un mauvais dîner avec quelques camarades.

En parlant ainsi, il prenait le bras de don Juan, qui, honteux d’avoir été surpris à écouter l’étrange histoire de Périco, se hâta d’accepter l’offre de son nouvel ami pour lui prouver le peu de cas qu’il faisait des médisances qu’il venait d’entendre.

En entrant dans l’église de Saint-Pierre, don Juan et don Garcia s’agenouillèrent devant une chapelle autour de laquelle il y avait un grand concours de fidèles. Don Juan