Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/219

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roucoulaient assez inutilement sous les fenêtres de leurs maîtresses. Par une nuit très-sombre, ils étaient à leur faction ordinaire, et la conversation durait depuis quelque temps à la satisfaction de tous les interlocuteurs, lorsque à l’extrémité de la rue parurent sept ou huit hommes en manteau, dont la moitié portait des instruments de musique.

— Juste ciel ! s’écria Teresa, voici don Cristoval qui vient nous donner une sérénade. Éloignez-vous pour l’amour de Dieu, ou il arrivera quelque malheur.

— Nous ne cédons à personne une si belle place, s’écria don Garcia en élevant la voix : Cavalier, dit-il au premier qui s’avançait, la place est prise, et ces dames ne se soucient guère de votre musique ; donc, s’il vous plaît, cherchez fortune ailleurs.

— C’est un de ces faquins d’étudiants qui prétend nous empêcher de passer ! s’écria don Cristoval. Je vais lui apprendre ce qu’il en coûte pour s’adresser à mes amours !

À ces mots, il mit l’épée à la main. En même temps, celles de deux de ses compagnons brillèrent hors du fourreau. Don Garcia, avec une prestesse admirable, roulant son manteau autour de son bras, mit flamberge au vent et s’écria : À moi les étudiants ! Mais il n’y en avait pas un seul aux environs. Les musiciens, craignant sans doute de voir leurs instruments brisés dans la bagarre, prirent la fuite en appelant la justice, pendant que les deux femmes à la fenêtre invoquaient à leur aide tous les saints du paradis.

Don Juan, qui se trouvait au-dessous de la fenêtre la plus proche de don Cristoval, eut d’abord à se défendre contre lui. Son adversaire était adroit, et, en outre, il avait à la main gauche une targe de fer dont il se servait pour parer, tandis que don Juan n’avait que son épée et son manteau. Vivement pressé par don Cristoval, il se rappela fort à propos une botte du seigneur Uberti, son maître