— Quand je serai grand, mon oncle le caporale me donnera une montre.
— Oui, mais le fils de ton oncle en a déjà une… pas aussi belle que celle-ci, à la vérité… Cependant il est plus jeune que toi.
L’enfant soupira.
— Hé bien, la veux-tu cette montre, petit cousin ?
Fortunato, lorgnant la montre du coin de l’œil, ressemblait à un chat à qui l’on présente un poulet tout entier. Et comme il sent qu’on se moque de lui, il n’ose y porter la griffe, et de temps en temps il détourne les yeux pour ne pas s’exposer à succomber à la tentation ; mais il se lèche les babines à tout moment, et il a l’air de dire à son maître : « Que votre plaisanterie est cruelle ! »
Cependant l’adjudant Gamba semblait de bonne foi en présentant sa montre. Fortunato n’avança pas la main ; mais il lui dit avec un sourire amer : « Pourquoi vous moquez-vous de moi[1] ? »
— Par Dieu ! je ne me moque pas. Dis-moi seulement où est Gianetto, et cette montre est à toi.
Fortunato laissa échapper un sourire d’incrédulité ; et, fixant ses yeux noirs sur ceux de l’adjudant, il s’efforçait d’y lire la foi qu’il devait avoir en ses paroles.
— Que je perde mon épaulette, s’écria l’adjudant, si je ne te donne pas la montre à cette condition ! Les camarades sont témoins, et je ne puis m’en dédire.
En parlant ainsi, il approchait toujours la montre, tant qu’elle touchait presque la joue pâle de l’enfant. Celui-ci montrait bien sur sa figure le combat que se livraient en son âme la convoitise et le respect dû à l’hospitalité. Sa poitrine nue se soulevait avec force et il semblait près d’étouffer. Cependant la montre oscillait, tournait, et quelquefois lui heurtait le bout du nez. Enfin, peu à peu,
- ↑ Perche me c… ?