Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/409

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proie à leurs passions effrénées, ouvrent pour leurs concitoyens et pour eux-mêmes un abîme de maux, souvent aussi, et, pour ainsi dire, comme par un enchaînement forcé, d’autres hommes, mais vertueux, mais inspirés du ciel, font de leur courage une digue au torrent dévastateur des révolutions, et referment de leurs puissantes mains le gouffre prêt à engloutir leur patrie !!! » (À part.) Ouf ! (Lisant.) « Un homme s’est trouvé…, infirme, mutilé, condamné à passer dans les souffrances… »

La comtesse, le soufflant. Non : « A dit un orateur chrétien… »

Le comte. C’est juste. « Un homme s’est trouvé… » Pardon, messieurs ; c’est une page qui aura été transposée… Eh bien ! je ne la trouve pas… Aurait-elle glissé ?… Bonne amie, pourtant quand vous m’avez copié le manuscrit, il était complet… Ah ! n’est-ce pas cela : Un homme s’est trouvé, a dit l’usurpateur… » Non… Je ne sais ce que sera devenu…

Le chevalier de Thimbray. Un homme s’est trouvé, mais une feuille s’est perdue.

La comtesse. Mon ami, n’avez-vous point là le brouillon ?

Le comte. Eh non ! je l’ai brûlé. C’est inconcevable !

Le baron de Machicoulis. Pendant que M. des Tournelles cherchera son discours, voulez-vous, pour ne point perdre de temps, écouter quelques courtes réflexions que les derniers événements politiques m’ont inspirées…

Le marquis de Malespine, en même temps. J’avais préparé un petit discours, et si ces messieurs veulent bien m’accorder une demi-heure d’attention…

(Le comte de Fierdonjon tire son portefeuille, et le chevalier de Thimbray fouille dans ses poches.)

Édouard. Miséricorde ! chacun a son discours ! Cousine, nous sommes perdus ; nous ne dînerons jamais. Et vous, monsieur Bertrand, n’auriez-vous point aussi votre discours ?