Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/64

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— Evviva Ors’ Anton’ ! répétèrent en chœur tous les bergers. Nous savions bien qu’il reviendrait à la fin !

— Ah ! Ors’ Anton’, disait un grand gaillard au teint couleur de brique, que votre père aurait de joie s’il était ici pour vous recevoir ! Le cher homme ! Vous le verriez, s’il avait voulu me croire, s’il m’avait laissé faire l’affaire de Giudice… Le brave homme ! Il ne m’a pas cru ; il sait bien maintenant que j’avais raison.

— Bon ! reprit le vieillard, Giudice ne perdra rien pour attendre.

— Evviva Ors’ Anton’ !

Et une douzaine de coups de fusil accompagnèrent cette acclamation.

Orso, de très mauvaise humeur au centre de ce groupe d’hommes à cheval parlant tous ensemble et se pressant pour lui donner la main, demeura quelque temps sans pouvoir se faire entendre. Enfin, prenant l’air qu’il avait en tête de son peloton lorsqu’il lui distribuait les réprimandes et les jours de salle de police :

— Mes amis, dit-il, je vous remercie de l’affection que vous me montrez, de celle que vous portiez à mon père ; mais j’entends, je veux, que personne ne me donne de conseils. Je sais ce que j’ai à faire.

— Il a raison, il a raison ! s’écrièrent les bergers. Vous savez bien que vous pouvez compter sur nous.

— Oui, j’y compte : mais je n’ai besoin de personne maintenant, et nul danger ne menace ma maison. Commencez par faire demi-tour, et allez-vous-en à vos chèvres. Je sais le chemin de Pietranera, et je n’ai pas besoin de guides.

— N’ayez peur de rien, Ors’ Anton’, dit le vieillard ; ils n’oseraient se montrer aujourd’hui. La souris rentre dans son trou lorsque revient le matou.

— Matou toi-même, vieille barbe blanche ! dit Orso. Comment t’appelles-tu ?

— Eh quoi ! vous ne me connaissez pas, Ors’ Anton’, moi