Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/97

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— Orso ! Orso ! par la cassette que je vous ai remise, je vous en supplie, écoutez-moi. Entre vous et les Barricini il y a du sang ; vous n’irez pas chez eux !

— Ma sœur !

— Non, mon frère, vous n’irez point, ou je quitterai cette maison, et vous ne me reverrez plus… Orso, ayez pitié de moi.

Et elle tomba à genoux.

— Je suis désolé, dit le préfet, de voir mademoiselle della Rebbia si peu raisonnable. Vous la convaincrez, j’en suis sûr. Il entr’ouvrit la porte et s’arrêta, paraissant attendre qu’Orso le suivît.

— Je ne puis la quitter maintenant, dit Orso… Demain, si…

— Je pars de bonne heure, dit le préfet.

— Au moins, mon frère, s’écria Colomba les mains jointes, attendez jusqu’à demain matin. Laissez-moi revoir les papiers de mon père… Vous ne pouvez me refuser cela.

— Eh bien ! tu les verras ce soir, mais au moins tu ne me tourmenteras plus ensuite avec cette haine extravagante… Mille pardons, monsieur le préfet… Je me sens moi-même si mal à mon aise. Il vaut mieux que ce soit demain.

— La nuit porte conseil, dit le préfet, en se retirant, j’espère que demain toutes vos irrésolutions auront cessé.

— Saveria, s’écria Colomba, prends la lanterne et accompagne monsieur le préfet. Il te remettra une lettre pour mon frère.

Elle ajouta quelques mots que Saveria seule entendit.

— Colomba, dit Orso lorsque le préfet fut parti, tu m’as fait beaucoup de peine. Te refuseras-tu donc toujours à l’évidence ?

— Vous m’avez donné jusqu’à demain, répondit-elle. J’ai bien peu de temps, mais j’espère encore.