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L’INSPECTEUR GÉNÉRAL

Khlestakof.

Dites donc, est-ce qu’il n’y a pas ici quelque petite société joyeuse où l’on pourrait, par exemple, faire une partie de cartes ?

Le Gouverneur, à part.

Hein ? Est-ce qu’il voudrait jeter des pierres dans mon jardin ? (Haut.) Ah ! Dieu nous en préserve ! Ici on ne sait pas ce que c’est que de semblables réunions. Pour moi, je n’ai jamais touché une carte… Et même je ne sais pas y jouer… aux cartes. Je ne puis pas en voir de sang-froid, et quand j’ai le malheur d’apercevoir un roi de carreau ou de n’importe quoi, cela me donne un tel mal de cœur qu’il faut que je crache. Une fois, je ne sais comment cela se fit, les enfants s’étaient amusés à construire un château de cartes… Eh bien ! toute la nuit j’ai rêvé de ces maudites cartes. Mon Dieu ! comment y a-t-il des gens qui perdent un temps précieux dans des occupations semblables !

Le Recteur, à part.

Ah ! farceur, qui m’a décavé hier de cent roubles !

Le Gouverneur.

Pour moi, je trouve mieux à employer mon temps pour l’avantage de l’administration.

Khlestakof.

Ah ! bien, cependant, voyez-vous cela dépend beaucoup de la manière de voir. Par exemple, si l’on s’en va faire son vatout quand on n’a rien dans la main, alors… mais allez, quelquefois c’est bien attachant de jouer.