prit ! Il ne me manquait plus que cela. Inès, pas d’enfantillages… est-ce que vous ne m’aimez plus ?
Inès. Oh si !… c’est plus fort que moi… mais… tenez, prenez ce papier sur cette table, et laissez-moi.
Don Esteban. Allons donc ! pourquoi cette peur de moi !
Inès. Je ne puis plus vous aimer.
Don Esteban. Encore vos scrupules ! vous vous plaisez à me faire enrager. Voilà pour vous punir. (Il l’embrasse de force.)
Inès. Ce n’est pas ma faute : vous m’avez embrassée de force ; je n’ai pu vous avertir plus tôt… tenez, voilà qui va vous instruire… (Elle lui donne la lettre. Don Esteban lit ; sa figure s’altère rapidement ; Inès se jette à ses genoux en pleurant. Don Esteban reste quelque temps comme accablé. Tout d’un coup il déchire la lettre, et, se débarrassant avec violence des bras d’Inès, il la fait tomber.)
Inès. Ah !
Don Esteban la relevant. Inès ! t’ai-je fait mal ?
Inès. Oh ! vous m’appelez encore Inès ! laissez-moi vous baiser les pieds.
Don Esteban. Malheureuse enfant ! quel crime as-tu donc commis pour te prosterner à mes pieds !
Inès. Je ne l’ai su que tout à l’heure ; et, si je l’avais su plus tôt… je ne vous aurais pas laissé m’aimer.
Don Esteban. Pauvre Inès ! Et je cesserais de t’aimer ! N’es-tu donc plus la même Inès qui m’a tant charmé ?
Inès. Je ne pourrai jamais m’empêcher de vous aimer.
Don Esteban. Sots préjugés ! dois-je vous sacrifier mon bonheur ? Ombres de mes ancêtres ! je briserai mes armoiries plutôt que de renoncer à cette fille !
Inès. Vous ne me méprisez donc pas ! vous me ferez mourir de joie.
Don Esteban. Je t’aime, je t’aime comme auparavant.
Inès pleurant. Esteban… non, vous ne pouvez m’aimer, vous êtes un Mendoza.
Don Esteban. Je suis ton amant… j’aime mieux être ton amant qu’un gentilhomme.
Inès. Oh ! je voudrais mourir maintenant ! Je ne déshonorerais pas celui que j’aime.
Don Esteban. Hé ! que m’importe l’opinion des hommes ? vaut-elle ton amour ? (Voyant qu’Inès saigne.) Tu saignes, mon