donc, mon père ; à votre âge il est fatigant de venir à pied de Saint-Dominique à la rue de la Mer.
F. Bartolomé. Grâce à notre divin Sauveur, mon enfant, je ne suis pas encore si faible que je ne puisse me tenir sur mes jambes. À quarante-neuf ans, on n’est pas encore bon à enterrer.
Doña Urraca. Ce que j’en ai dit… c’est que vous m’avez paru avoir mauvaise mine aujourd’hui.
F. Bartolomé. Mauvaise mine ?… Il ne me semble pas à moi… (Se regardant dans le miroir.) D’abord votre glace verdit… mais je me porte parfaitement bien… et j’ai mis ma soutane neuve pour venir vous voir, mon enfant.
Doña Urraca. Asseyez-vous, ne fût-ce que pour goûter de ces confitures que j’ai faites pour vous.
F. Bartolomé. Hélas ! bien volontiers, ma fille, car à peine ai-je pris une nourriture charnelle d’aujourd’hui.
Doña Urraca. Vous vous ferez mal par trop jeûner.
F. Bartolomé. Que voulez-vous ?… Donnez-moi encore un verre de votre marasquin. — Il est meilleur que celui que doña Maria de Jésus m’a donné.
Doña Urraca. Je le crois bien. Elle est si avare, qu’elle ne voudrait jamais mettre quarante réaux pour faire un cadeau à ses amis.
F. Bartolomé. Doucement ! ma fille. Il ne faut pas médire de son prochain. — Bien est-il vrai que, depuis une année, elle ne m’a donné qu’un petit crucifix d’ivoire tout jaune et du marasquin fort ordinaire. Cependant, elle sait bien qu’il vaut mieux ne pas faire de cadeaux que d’en faire de mesquins.
Doña Urraca. Oh ! c’est bien vrai. — À propos, vous a-t-on remis un panier de vin de Bordeaux ?
F. Bartolomé. Oui, mon enfant. Je vous en remercie ; mais, si une autre fois vous m’envoyiez du vin au couvent, ne le faites pas porter dans un panier à vin, mais bien dans une caisse à livres, par exemple… ou de toute autre manière enfin.
Doña Urraca. Comment ?
F. Bartolomé. Oui… le prieur a vu le panier… et il a bien fallu lui faire goûter de ce vin, que je réservais pour me