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Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/169

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aujourd’hui cette guitare dans ma chambre ? Il faut la reporter de l’autre côté… elle ne peut rester ici… (Elle prend la guitare et en tire quelques sons.) Comme elle a conservé l’accord !… la, la, la, la… Je n’en ai jamais vu de meilleure… Ce Pablo a un goût pour ces sortes de cadeaux !… (Elle chante.) la, la, la, la… « Mon confesseur… » Je ne puis avoir autre chose au bout des doigts que l’air de cette chanson mondaine qu’il m’a forcée d’apprendre… Ah ! il n’y a pas de péché dans l’air… Le mi est baissé… (Elle chante.) la, la, la, la, la… « Mon confesseur, mon confesseur… mon con fesseur… »

« Mon confesseur me dit : Mon frère, pour mortifier vos appétits charnels, trois jours vous jeûnerez au pain et à l’eau. Mais Mariquita me dit : Viens souper avec moi. — Au diable mon confesseur ! »

Entre Fray Bartolomé.

Doña Urraca. Ah !

F. Bartolomé. Jésus Maria ! qu’entends-je ?

Doña Urraca. Quoi… je… c’est vous ?… vous m’auriez entendue ?… J’ai chanté ?

F. Bartolomé. Puis-je en croire mes oreilles et mes yeux ! Comment ! ma fille, c’est bien vous ! Je m’attendais à vous trouver en prière, ou tout au moins méditant quelque livre de piété, et je vous trouve la guitare à la main, chantant des blasphèmes !

Doña Urraca. Ah ! mon père ! si vous saviez !…

F. Bartolomé. Dites-moi quel malin démon…

Doña Urraca. Oui, mon père, c’est le Malin qui en est cause. J’ai voulu ôter cette guitare de cette chambre… J’ai pincé par distraction deux ou trois cordes : le Malin a pris son temps… Par distraction, j’ai joué un air que j’ai en horreur, et que j’ai retenu malgré moi… et puis…

F. Bartolomé. Et puis ?…

Doña Urraca. Et puis… je ne sais comment il s’est fait que j’ai chanté tout haut.

F. Bartolomé. Oui, mon enfant, c’est bien le Malin qui vous a soufflé cette horrible chanson. Mais aussi, remerciez votre bon ange, qui m’a amené justement à point pour vous empêcher de commettre un autre péché.

Doña Urraca. Hélas ! loué soit le ciel !… Mais asseyez-vous