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Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/18

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cellentissime seigneur, vous vous intéresserez à un noble marquis. — Vous, capitaine, votre héros sera l’aide-de-camp de La Romana, qui porte un nom cher à tous les Espagnols…

Le capitaine. Et quel nom ? J’ai connu un aide-de-camp de La Romana qui avait gagné ses galons dans les antichambres de Godoy.

Clara. Le nom de votre héros, capitaine, est don Juan Diaz…

Le capitaine. Don Juan Diaz Porlier1 ? Vive Dieu ! El marquesito ?

Clara. Je ne dis pas cela, mais il s’appelle Juan Diaz… Vous, seigneur licencié, qui aimez tout ce qui est français, je vais vous charmer en vous apprenant que l’héroïne est une Française.

Le poète. Comment ! une Française en Danemarck ? Qu’y vient-elle faire ?

Le Grand. La Romana était de tous les hommes le plus injuste : la comédie doit être mauvaise.

Le capitaine. Au diable la pièce et l’auteur, si la dame est Française !

Clara. Eh bien ! pas un de vous n’est content ? Certes, je joue de malheur. Comment ! capitaine, vous n’applaudirez pas votre général ?

Le capitaine. Oui, si l’on y dit beaucoup de mal des Français.

Clara. Et vous, seigneur Escolástico,… puisqu’il y a des Français dans la pièce ?

Le poète. À la bonne heure, si c’étaient des gens morts depuis quatre cents ans au moins.

Clara. Et s’ils n’étaient morts que depuis trois cent cinquante ans, est-ce que la comédie ne pourrait pas être bonne ?

Le poète. C’est difficile.

Clara. Alors elle deviendra bonne avec le temps. Oh ! que je voudrais revenir dans quatre cents ans pour la voir applaudir ! — Et vous, excellence, applaudissez, je vous en prie un marquis espagnol.

Le Grand. Une famille qui m’a volé sept de mes noms !

Clara. Que le diable vous emporte tous ! (Au public.) Vous, messieurs, vous êtes des gens raisonnables, écoutez avec indulgence la pièce nouvelle, l’auteur se recommande à vous.