je crois qu’il est allé aux tentes de Sémélalia, à l’armée du vizir.
H. Nouman. Eh quoi ! aurait-il été combattre les infidèles sans avoir embrassé son ami ?
B. Mustafa. Si tu le veux, je retournerai chez Abou-Taher.
H. Nouman. Tout à l’heure. — Écoute. As-tu porté à Mojana les présents que j’ai achetés pour elle ?
B. Mustafa. Oui, seigneur, et je l’ai revêtue moi-même de sa nouvelle parure. Allah ! qu’elle était belle ! Certes j’ai vu dans ma vie beaucoup de belles femmes, mais jamais je n’ai trouvé l’égale de Mojana. Ah ! si tu voulais la revendre, bien qu’elle ait perdu hier cette qualité que vous estimez tant, tu en retirerais encore les dix mille dinars2 qu’elle t’a coûtés.
H. Nouman. Jamais je ne la vendrai, Mustafa ; et, si le kalife mon seigneur me la faisait demander, je la lui refuserais, dussé-je fuir chez les Bédouins de Zeïn, et vivre en excommunié3. — A-t-elle paru satisfaite de mes présents ?
B. Mustafa. Elle a dit quelle se réjouissait de posséder tant de belles choses, si elle en paraissait plus aimable à tes yeux.
H. Nouman. Charmante créature !
B. Mustafa. Quelle différence entre nos femmes et celles des infidèles ! Quand j’étais prisonnier à Léon, j’ai vu leurs femmes et leurs mœurs. Chez nous, toutes sont soumises ; elles s’efforcent à l’envi de plaire à leur seigneur ; avec deux eunuques on gouverne vingt femmes… mais allez chez les Espagnols, une femme gouverne vingt hommes…
H. Nouman. Apporte ici du sorbet et des fruits, je veux que Mojana vienne dans ce pavillon me tenir compagnie.
B. Mustafa. Entendre, c’est obéir.
H. Nouman. Zeïn, tu seras toujours un Bédouin. — Toujours occupé de l’idée du moment, il oublie ses amis et leurs invitations pour courir où son caprice l’appelle… Je pense que la fantaisie l’aura pris d’aller rompre une lance avec quelque chevalier nazaréen. Puisse Allah le protéger !
B. Mustafa rentrant. Seigneur, seigneur, ton ami Zeïn des-