Zeïn. Il me fallait à toute force de l’argent. — En passant dans le bezestin 8, j’ai vu ce vieux coquin d’Abou-Taher qui faisait crier des esclaves à vendre. Une d’entre elles m’a frappé, et il en voulait neuf mille dinars… Hadji-Nouman, jusqu’alors j’aurais appelé fou celui qui paye une femme plus qu’un cheval de bataille ; mais que la vue de cette femme m’a fait changer d’idée ! J’aurais presque troqué Abjer contre cette créature, cette houri échappée du paradis. Mais j’ai mieux aimé courir à Sémélalia ; j’ai vendu tout ce que je possédais, excepté mes armes et Abjer, et avec tout cela je n’ai pu faire que quatre mille dinars. Je compte sur toi pour le reste.
H. Nouman riant. Ah, ah, ah ! fils du désert, te voilà pris à la fin. — Et que je reconnais bien là mon Bédouin, qui agit avant de penser ! Malheureux, tu vas acheter une esclave, et il ne te reste plus de quoi vivre ! Comment feras-tu pour l’entretenir, elle et Abjer ?
Zeïn. N’ai-je pas un ami ?
H. Nouman. Oui, qui pensera pour toi. Il te faut dix mille dinars au lieu de cinq mille, tu vas les avoir.
Zeïn. Je te remercie, frère. Tu ne te lasseras jamais de me combler de biens.
H. Nouman. Ah ! Zeïn, je serai toujours en reste avec toi ! Te rappelles-tu comment nous fîmes connaissance ?
Zeïn. Il m’en souvient assez.
H. Nouman. Je me trouvais assez embarrassé de poursuivre mon pèlerinage à la Mecque ; tu versas sur moi ton outre tout entière 9, sans en garder une goutte pour toi. Combien tu as dû souffrir !
Zeïn. Nous autres Arabes, nous savons souffrir mieux que vous autres seigneurs des villes. Et puis tu étais étendu sur le sable, abandonné, noir comme un scorpion desséché quel musulman n’aurait fait ce que je fis alors ?
B. Mustafa rentrant. Seigneur, les cinq mille dinars sont en sacs sous le vestibule. Si tu veux les compter…
Zeïn. Non, non. Prépare-moi un âne pour les porter, et aie soin d’en compter encore autant. Il y aura cent dinars pour toi.
H. Nouman. Mustafa !