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Page:Méry - La guerre du Nizam, Hachette, 1859.djvu/34

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— Madame, voici ma réponse à votre question oubliée : je danse toujours dans un bal.

— C’est encore une habitude que vous avez prise avec votre société du désert.

— Vraiment, madame, vos lèvres et vos yeux parlent à la fois, avec deux paroles et deux pensées différentes ; je n’écoute que vos yeux, et je ne les comprends pas…

— Vous les comprenez trop, sir Edward ! dit la comtesse d’un ton sérieux qui succéda sans transition à la feinte légèreté du badinage. Écoutez, sir Edward, et voyez si je devine la situation… En ce moment, vous n’êtes pas mon danseur, vous êtes mon geôlier… Oh ! vous avez beau sourire et regarder le plafond à la case des énigmes, vous me comprenez… Il se trame quelque chose d’infernal contre ma jeune amie Amalia… L’étourdie, elle danse !.. Et moi aussi je danse, et je ne suis pas là où il faut être pour la défendre !

— Madame, dit Edward avec un calme digne, contenez-vous encore quelques instants, tous les regards sont fixés sur vous ; il y a de l’inquiétude sur les visages de notre quadrille : on va croire que je vous ai insultée.

— Oh ! ceci devient horriblement clair ! dit la comtesse sans écouter les paroles d’Edward. Regardez au fond des salles il y a une agitation menaçante… les domestiques du colonel Douglas courent partout avec un empressement significatif. Sir Edward, vous avez prêté votre nom et votre main à une ténébreuse machination !… Un gentilhomme, c’est infâme ! »

Le bruit de la danse, le murmure éclatant des paroles, le fracas de l’orchestre, couvraient la voix de la comtesse Octavie ; elle n’était entendue que d’Edward.