Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/21

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Sidney-Smith. Une idée subite illumina le prisonnier sergent, et il fit mentalement ce calcul de proportion patriotique : Ils sont deux, je suis un : il y a donc cinquante pour cent de bénéfice pour la France. Cela pensé, le sergent embrassa vigoureusement les deux sentinelles, les entraîna dans sa chute, et trois corps tombèrent en bloc au pied du rempart. Deux ne se relevèrent plus, Lamanon en fut quitte pour une entorse légère, et il regagna le camp de Bonaparte avec assez de facilité, sous une grêle de balles qui l’escortèrent harmonieusement et ne l’atteignirent pas.

Le bruit de cette évasion et du calcul mathématique qui l’avait déterminée se répandit bientôt partout.

Le jeune Joachim Murat, vivement touché de l’héroïque action du sergent, le conduisit à la tente du général en chef, et là le brave Lamanon, tout en racontant avec simplicité son évasion, donna beaucoup de détails précieux sur l’état de la place assiégée ; il affirma que l’ingénieur Phélipeaux avait été blessé la veille, que le commodore Sidney-Smith, à force de prodiguer sur la plage les boulets de ses vaisseaux, n’avait plus une seule gargousse ; que la garnison, affaiblie par les nombreuses pertes de chaque jour, n’était plus soutenue que par la terreur qu’inspirait le féroce Djezzar-Pacha. ; enfin que la Tour-Maudite, percée à jour, devait s’écrouler sous un dernier effort des artilleurs.

Le sergent Lamanon reçut les félicitations du général Bonaparte, et en sortant de la tente il fut entouré de ses camarades, tous empressés d’entendre le même récit et les mêmes détails.

En ce moment, Kléber, Murat, Eugène, Beauharnais et