Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/328

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La raison politique, négligée par les poëtes, prévalut dans les conseils du cabinet d’Argos. On trouvait une superbe occasion de piller les trésors du riche Priam ; on ne la laissa pas échapper. Tous les pirates de l’Archipel offrirent à Agamemnon leurs tartanes et leurs porchers armés en guerre. Les rois de ces pirates arrivèrent de Zacynthe, de Leucade, de Taphos, de Corcyre, de Céphalonie. Ulysse, le plus forban de tous, abandonna sa femme, son fils, ses étables, son chien, ses porcs, pour venger l’honneur de Ménélas en compromettant le sien, et tenta un long et périlleux voyage. Il partit d’Ithaque, descendit la mer Ionienne, passa le terrible détroit qui sépare Cythère du promontoire de l’île de Crête, remonta dans les parages orageux de Myrtos, entra dans le golfe Argolique et descendit devant Argos, où attendait Agamemnon. Là, nous dit la Fable, mille vaisseaux étaient à l’ancre, mille, c’est beaucoup !

Non anni domuere decem, nec mille carinæ.

Ils attendaient un vent propice qui ne soufflait pas. Un prêtre ingénieux, nommé Calchas, donna un excellent conseil pour appeler le mistral : il ne s’agissait de rien moins que d’égorger Iphigénie ; chose toute simple et fort naturelle. Tous les rois pirates de Thasos, de Lemnos, d’Imbras, de Lesbos, de Mytilène, de Scyros, de Chio, d’Onedros, de Tenos, de Mycène, de Delos, de Paros, de Naxos, d’Olearos, d’Ios, de Thera, d’Astypalée, de Calymne, de Nisire, d’Anaple, de Carpathos, de tous les rochers insulaires qui émaillent la mer Icarienne, demandèrent en chœur grec la mort d’Iphigénie pour venger l’honneur de Ménélas ; tous ces voleurs