Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/46

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Paris ? Il y a toujours des philosophes, des avocats, des poëtes, des rêveurs qui inventent des mots creux, et qui étouffent les bonnes choses ! Cependant ce pauvre ambassadeur, recommandé par M. Léger, notre commissaire français dans l’Inde, fut présenté à Louis XVI par le ministre Bertrand de Molleville. Le roi reçut très-bien l’ambassadeur de Tippoo, et il s’entretint quatre heures avec lui.

— Et après ? dit Lamanon.

— Eh bien après, vous commençâtes une révolution pour faire les affaires de l’Anglais dans l’Inde. Nous, ici, réduits à nos seules ressources, nous avons soutenu Tippoo-Saïb. Mais voyez ce qu’on aurait pu gagner si Paris eût envoyé des secours ! avec vingt-cinq mille Indiens et mille Français, Tippoo-Saïb a obtenu des avantages à Bedmor et à Bangalor, contre le général Harris, le brigadier-général Mathews, et le marquis de Wellesley (Wellington). Si le sultan de Mysore avait eu les vingt mille hommes qu’il demandait à Louis XVI, et que Bonaparte lui apporte un peu tard, peut-être l’Inde serait française aujourd’hui, en 1799 !

— Elle le sera, dit Lamanon.

— Elle le serait, reprit le corsaire ; le présent est plus sûr que l’avenir.

— Mais nous n’avons pas perdu notre temps là-bas, dit Lamanon.

— Où ? demanda Honoré Lefebvre.

— En Europe.

— Et qu’avez vous fait en Europe ?

– Nous avons battu tes Allemands et les Russes.

– À quoi cela vous a-t-il servi ?