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MONSIEUR AUGUSTE

langue de l’âme ; son maître, c’est l’amour. Le jeune Octave donnait son oreille à la cantatrice et son regard à Louise ; la mélodie aérienne flottait, comme un parfum d’essence d’iris, autour de l’adorable jeune fille, en prêtant à sa beauté un charmé idéal qui l’enlevait à ce bas monde et la faisait rayonner dans un domaine divin, où le prosaïsme terrestre est inconnu. Octave avait perdu le sentiment de sa propre existence ; il ne s’écoutait plus vivre ; son âme, dégagée de l’enveloppe matérielle, errait, avec la subtilité du souffle, sur les lèvres, les cheveux, le sein de la jeune fille : la musique opérant ce prodige de migration. Il éprouvait, avant le sommeil, les extases de ses rêves ; mais, cette fois ce n’était point un mensonge des nuits, un fantôme de vapeur embrassé au vol ; l’attraction magnétique était si vive que la distance même disparaissait, que le salon perdait sa foule, que la déesse quittait ses voiles, et qu’un jeune homme ivre d’amour, emporté par une imagination de feu, restait seul comme le mari d’un jour, dans une alcôve nuptiale, et savourait les ravissements des élus, au son des mélodies du ciel. Par bonheur, tous les yeux se fixaient sur les grands artistes du concert. Si un seul regard observateur se fût égaré du côté d’Octave, il aurait interrompu le chant par un cri de surprise impossible a contenir, car tout ce