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MONSIEUR AUGUSTE

Octave y perdra ce qui lui reste de raison, il tuera le docteur, et M. Lebreton, qui aime la tragédie, en verra jouer une chez lui.

— Et vous croyez que M. Lebreton donnerait sa fille au docteur ?

— Mais, ma bonne Rose, tu ne connais donc pas mon oncle ! il a déjà crié par-dessus les toits qu’il donnerait sa fortune pour la vie de sa fille…

— Oh ! c’est une façon de parler qui n’engage à rien, remarqua Rose ; on dit qu’on donne sa fortune, et après la guérison on donne mille écus.

— Ou on donne sa fille, ce qui est plus aisé, reprit Agnès.

— Si la fille se laisse donner, dit Rose.

— Les femmes un peu romanesques, poursuivit Agnès, aiment toujours ceux qui leur sauvent la vie ; elles ont vu arriver cela dans les livres et au théâtre. Louise sait les romans et les opéras par cœur. Ainsi, elle ne cesse d’admirer, dans Guillaume Tell, Mlle Mathilde, la fille de l’empereur d’Autriche, laquelle est amoureuse d’un petit berger suisse qui lui a sauvé la vie un jour d’avalanche.

— Oui, je comprends cela, dit Rose ; il y a une manière de sauver la vie qui peut exalter, la tête d’une jeune fille, et bien disposer son cœur en faveur d’un homme. Ainsi, je pourrais peut-être ai-