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MONSIEUR AUGUSTE

rasse, attendaient le maître pour discuter sur la manière la plus efficace de tuer le temps, dans les heures brûlantes où le soleil distille l’ennui sur les riches et les oisifs.

Le colonel de Gérenty s’avança et serra la main de M. Lebreton, en lui disant :

— Sommes-nous quatre ?

— Oui, colonel. Voilà notre jeune artiste qui fait notre partie, répondit M. Lebreton en distribuant les poignées de main à la société campagnarde.

Octave resta dans son silence, et il suivit machinalement les joueurs de whist au salon.

Le colonel était un homme de trente-sept ans, un vrai Africain, à visage sévère et basané, au front dégarni, à la moustache recourbée en pointes d’arc. Ses petits yeux gris lançaient du feu sous leur prunelle épaisse. Son torse svelte était serré par un habit bleu, boutonné jusqu’au menton. Tout dans ses mouvements respirait l’impétuosité militaire, tempérée par la distinction de race. Il parlait peu, mais sa phrase courte allait droit au but, comme la pointe d’une épée. Il faisait des armes en causant ; il avait de l’esprit et de la gaieté, lorsqu’il n’était pas jaloux pour le compte de son frère ; mais, comme il voyait dans tout homme un amoureux de sa belle-sœur, il était presque toujours sombre de