tionnant spécialement Etchmyadzine, ni l’offre de visiter le monastère sous la surveillance de deux policiers et avec la promesse formelle de ne parler à aucun moine ; non, G(h)yvernatte est un homme trop dangereux pour le Tzar ; il faut qu’il parte !
Qu’eût dit le vieux général s’il eût pu se douter que les deux compagnons du terrible G(h)yvernatte étaient tous deux prêtres !
Donc nous partons ce matin, accompagnés cette fois, honneur douteux, d’un postillon spécial, qui nous annonce solennellement à chaque relais au son d’un cor fêlé ; tout son soin est de faire accélérer les manœuvres pour nous mener plus vite à la frontière ; il est sans doute aussi chargé de nous surveiller.
D’Erivan à Djoulfa nous descendons constamment la vallée de l’Araxe. Les Arméniens donnent le nom d’Eraskh[1] à ce fleuve qui est par excellence le « fleuve arménien. »
Il prend sa source à une très faible distance d’Erzéroum. Son bras le plus important, le Pasin-sou[2], naît sur le flanc nord du Pasin. Bingöl-dagh[3], qui partage ainsi ses eaux entre l’Araxe et l’Euphrate ; un autre de ses bras a sa source sur le revers est du Palandeüken, à quelques heures à peine d’Erzéroum. Les deux bras se réunissent à Keüprü-keuï[4], et la rivière coule vers l’Est jusqu’à la hauteur d’Erivan. Avant d’y arriver, elle double de volume en recevant l’Arpa-tchaï[5], grosse rivière qui draine les hauteurs d’Alexandrapol et de Kars ; grâce à cet apport d’eau, l’Araxe peut fertiliser les plaines d’Erivan.
À hauteur de cette ville il se heurte au massif montagneux du Goktcha et du Karabagh[6], et change de direction pour décrire vers le Sud un immense arc de cercle, dont le sommet est à Ordoubad. Au-dessous d’Ordoubad, il perce la chaîne de Karabagh, se glissant dans d’étroits défilés et descendant de plus de 900 mètres sur un parcours de moins de 100 kilomètres.