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DE CONSTANTINOPLE À TIFLIS

progrès moderne. Les épouses d’un riche personnage ne parcourent plus les rues, comme jadis, cachées sous un voile épais : aujourd’hui une légère voilette ne masque que pour le faire mieux ressortir, un visage de courtisane orné et fardé : vous mettez le doigt sur la plaie du monde musulman, l’absence de la vraie famille !

Nous voudrions être tout entiers à l’observation des types : mais mille autres soucis nous absorbent : préparatifs de voyage, visites officielles, longueurs des formalités bureaucratiques, discussion de « bakschichs »[1], sont autant d’embarras qui viennent déplorablement raccourcir le temps.

Nous trouvons à Constantinople nos deux compagnons de voyage : l’un, notre excellent ami de Rome, Mgr l’Archimandrite D… ; l’autre, un religieux lazariste, chaldéen d’origine, Mr Nathanaël : celui-ci profite de l’occasion pour aller revoir Khosrâva, son pays natal ; il doit en même temps nous servir d’interprète.

Enfin, nous avions engagé comme domestique un Chaldéen d’Ourmiah, nommé Serghis, qui cherchait aventure à Constantinople : l’acquisition était déplorable, et nous dûmes plus tard nous en défaire avec empressement.

Hyvernat chargé d’une mission scientifique, avait été, il y a quatre mois déjà, recommandé au gouvernement russe par le ministère français : celui-ci avait nommé l’« Abbé » Hyvernat ; c’en fut assez pour remplir de terreur le gouvernement du Tzar. Refuser l’entrée du territoire russe était trop impoli ; l’accorder purement et simplement, semblait bien dangereux : la Russie se tira d’affaire en déclarant qu’elle recevrait avec la plus grande amabilité l’Abbé Hyvernat, à condition qu’il passât par le Caucase, sans y séjourner.

Moi qui joignais au même titre de prêtre catholique celui encore plus suspect de sujet de l’Empire germanique, et qui

  1. Le bakschich, il est à peine besoin de le dire, n’est autre chose que notre pourboire ; personne n’ignore le rôle prépondérant qu’il joue en Turquie.