Page:Müller-Simonis - Du Caucase au Golfe Persique.pdf/159

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
115
DE DJOULFA À OURMIAH

appelle donc pour soigner un pèlerin ; un peu de quinine ne peut lui faire de mal, mais le pauvre diable a une fièvre et une dysenterie horribles qui l’emporteront, sans doute, d’ici deux jours ; tout moribond qu’il est, il se traînera à la suite de la caravane, jusqu’à ce qu’il rende le dernier soupir ; il sera mort sur le chemin de Kerbéla ; un Schiite ne peut faire meilleur trépas.

Khoï, située à environ 1 136 mètres d’altitude, passe pour une des plus belles villes de Perse ; ses rues, assez larges et régulières, sont arrosées par des canaux et plantées d’arbres. Les mosquées y sont rares, comme d’ailleurs toutes les constructions monumentales, car les tremblements de terre y causent parfois de grands dégâts.

Lorsque la Perse et la Turquie étaient deux États puissants, cette ville était l’un des entrepôts les plus considérables du commerce entre les deux peuples. Aujourd’hui, comme place frontière, elle garde encore une certaine importance ; elle est tête de ligne du chemin d’Erzéroum, par Bayazid[1] ; de celui de Van par Kotour ; et de celui d’Erivan par Nakhitchévan. Le bazar est très actif ; l’industrie dans laquelle excellent particulièrement les habitants de Khoï, est la fabrication des ustensiles de cuivre qu’ils savent faire fort variés et du meilleur goût ; la matière en est, paraît-il, excellente.

La population de Khoï est de 20 à 30 000 âmes ; la majorité des habitants se dit d’origine tartare, et l’élément musulman y passe pour fanatique.

Khoï étant dans la zone douanière, nous sommes assez étonnés de n’être pris à partie par aucun employé ; au demeurant nous avons notre reçu de la douane de Djoulfa, et nous nous couchons

  1. Il est à remarquer que la Russie, pour mieux isoler la Perse, s’était adjugé la possession de Bayazid et de sa vallée par le traité de San Stefano ; elle ne laissait ainsi entre la Turquie et le Nord de la Perse d’autre chemin ouvert que celui d’Erzéroum, Van, Kotour, Khoï, comptant sans doute sur les Kurdes pour le rendre impraticable au commerce. Si la conférence de Berlin remit la Turquie en possession de ce territoire, c’est que l’Angleterre avait tout mis en œuvre pour maintenir libre cette voie de communication.