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NOS TRIBULATIONS À VAN

la protection russe, ou je saurai vous créer toutes les difficultés et tous les dangers !

Notre position était difficile ; de toutes ces menaces une bonne moitié au moins était de la vantardise ; mais le reste était assez sérieux pour nous faire réfléchir.

Les menaces contre les Pères n’étaient que l’expression d’un mauvais vouloir qui, jusqu’ici, n’avait été que trop efficacement prouvé. Pour nous, nous abandonner à cet homme connu par sa mauvaise foi et son antipathie envers les étrangers, nous semblait peu sûr, malgré les admonestations que nous savions qu’il avait reçues de Constantinople à notre sujet. D’autre part, il nous semblait tout aussi dangereux de nous abandonner à Chérifoff ; il aurait dû, lui représentant de l’orthodoxe Russie, entamer pour nous, prêtres catholiques, une guerre à mort contre le Vali ; or, avec la position ébranlée de Chérifoff, le mot de protection officieuse constituait une instruction bien vague pour se lancer ainsi ; ne risquions-nous pas de nous trouver au moment le plus critique entre deux chaises ?

Dans cette grande perplexité, Hyvernat faisait une renonciation avec restrictions, réservant toujours le consentement de l’Ambassade. Le Vali ne voulait rien entendre ; tout ou rien, et tout de suite.

J’ai alors poussé Hyvernat à renoncer purement et simplement à la protection russe. Nous avions maintenant nos lettres vizirielles et le Vali avait reçu des avertissements de Constantinople ; il ne pouvait donc plus nous susciter d’entraves officielles ; quant à nous prendre en traître, il le pouvait toujours, en dépit de toute la protection russe. Je me disais qu’au fond, ce à quoi il tenait le plus, c’était de faire échec au consulat russe ; et puisqu’en somme l’Ambassade russe avait jugé à propos de ne nous donner qu’une protection inefficace, je ne voyais pas de motif à nous mettre en danger pour lui épargner cet échec. Il me semblait plus prudent de nous abandonner au Vali ; notre tête valait bien une satisfaction d’orgueil accordée à Khalîl-Pacha — la suite montra que mon raisonnement était juste.