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CHAPITRE XVII

terre trois énormes montagnes[1]. Mais cet autrefois doit se reculer dans la nuit des temps, car les Kurdes racontent, comment aux jours du déluge, avant de s’aller reposer sur l’Ararat, l’arche vint donner contre le sommet du Sipan. À ce signe du prochain apaisement de la colère divine, Noé s’écria : « Soub’han-Allah », Grâces soient à Dieu, d’où vint le nom de Soubhan ou Sipan-Dagh[2].

L’altitude absolue du Sipan-Dagh n’est que de 3 353 mètres[3] ; mais son isolement dégage ses lignes, et son reflet, brillant dans les eaux tranquilles du lac, le grandit immensément ; aussi le colonel Shiel qui avait si longtemps résidé au pied du Demavend, croyait-il le Sipan aussi haut que ce Père des montagnes. La première ascension du Sipan-Dagh fut faite par Brant en 1838[4].

Aux environs du Sipan-Dagh habitent, dit-on, quelques hordes Yezidis. Ces adorateurs du diable, quoique abhorrés des Kurdes, étaient, dit Jaubert[5], à cause de leur bravoure, ménagés par les princes kurdes qui cherchaient même à les attirer dans leurs domaines. Leur nombre a dû bien diminuer, car Mehemed-Reschid-Pacha leur fit une guerre d’extermination[6]. Le seul village yezidi qu’on nous ait positivement signalé jusqu’ici est celui de Pischikümbète, sur la gauche du chemin de Khorzot à Karakhân.

Départ 7 heures matin.

Au sortir d’Agantz, l’on traverse jusqu’aux premiers contreforts du Sipan, la même plaine d’Ardjîch dont j’ai déjà parlé ;

  1. Le Nimroud et le Sipan, tous deux puissants volcans éteints, sont certainement deux des montagnes visées par la légende. Quelle est la troisième ? Peut-être le Bingöl-Dagh ?
  2. Légende rapportée par Wilbraham {Cap Wilbrahams Travels, p. 341, 348). Ritter’s Erdk. Theil ix, p. 976.
  3. Texier, Arménie, i, xlv.
  4. Le Demavend a 5 630 mètres d’altitude, par conséquent près de 2 500 mètres de plus que le Sipan-Brant ; Notes of a journey through a part of Kurdestan, 1838. Journal of the Geogr. Soc. of London, 1841, vol. x, part. iii, p. 409
  5. Jaubert, ch. xiv, p. 109.
  6. D’après Texier, Arménie, i, 133, Reschid-Pacha en aurait, dans sa campagne du Kurdistan, exterminé 40 000.