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MÔSOUL — LA VILLE, ETC.

si défavorables, à côté de maintes vies toutes de dévouement et de vertu. Puis, répétons-le encore, si la persécution qui fait des martyrs, élève et ennoblit les caractères, le régime politique qui fait des parias, les brise et les ravale.

L’Oriental a depuis des siècles perdu sa dignité sociale ; sa dignité personnelle a été pendant des siècles foulée aux pieds ; elle en est sortie déflorée et amoindrie. Elle se relèvera peut-être sous l’influence de la liberté, mais les blessures faites à la dignité humaine sont les plus longues à guérir.

Elles sont aussi les plus difficiles à traiter, et les Occidentaux qui s’y emploient le savent bien. Je ne parle pas de ceux qui, jetant le gant à la religion, veulent relever l’Orient, comme ils veulent faire l’Occident : ceux-là plongeront l’Occident dans la boue ; que pourraient-ils faire pour l’Orient ?

Je veux parler de ceux qui s’inspirent de la religion — soit qu’ils travaillent dans le domaine strictement social : ceux-là malheureusement sont rares — soit qu’ils se consacrent plus spécialement au domaine religieux. L’obstacle le plus grand que rencontre cet ouvrier occidental est aussi le plus insaisissable, car il est entièrement d’ordre psychologique : c’est l’orgueil.

Il s’attaque aux deux parties : l’Occidental, à moins d’une lutte constante contre lui-même, n’échappe pas à l’orgueil de comparaison ; il se sent supérieur et il est obligé de se tenir à quatre pour ne pas faire sentir sa supériorité ; instinctivement il identifie la civilisation avec l’Occident ; il ne dira pas : « un homme civilisé doit agir de telle ou telle façon », il dira : « Un Européen agirait ainsi ».

Cet orgueil se retrouve dans l’Oriental sous forme de vanité. L’oppression dont il a tant souffert, a développé en lui beaucoup des caractères de l’enfant, et l’un de ceux-ci est de se raidir intérieurement contre l’acceptation d’une supériorité morale ; naturellement cette vanité est en même temps jalouse et susceptible. L’Oriental acceptera tous les enseignements, tous les conseils, mais à une condition, c’est qu’une charité poussée aux derniers