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Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/122

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de l’ours avec ses yeux sanglants et sa gueule rouge. La jeune fille, vaincue par l’émotion, chancela et tomba évanouie.

Guerbraz visa la bête du mieux qu’il put. La balle du revolver creva l’œil gauche de l’ours.

Le monstre, rendu plus furieux par la blessure, poussa un sourd rugissement et s’élança vers sa proie inanimée. Mlle de Kéralio était perdue.

Mais alors se produisit pour la seconde fois le phénomène qui avait, tout à l’heure, détaché le floeberg de la côte. Le pic oscilla, craqua et, se fendant dans toute sa longueur, se partagea en deux morceaux énormes. L’ours fut rejeté en arrière, tandis qu’Isabelle, glissant doucement et sans secousse, disparaissait dans la crevasse qui venait de s’ouvrir.

Ce n’était plus pour elle le même genre de mort, mais ce n’était pas moins la mort.

Sans plus songer à l’animal, que d’ailleurs l’épouvante avait saisi à la suite de son double accident, Guerbraz avait bondi vers la faille, au risque de s’engloutir lui-même.

Il put voir la jeune fille évanouie, suspendue entre ciel et terre, accrochée par l’épais manteau dont elle était couverte. Que la glace bougeât encore, et, précipitée dans l’horrible fissure, elle aurait pour pierre tombale l’un des quartiers énormes qui l’entouraient.

Tout semblait donc perdu, et, à moins d’une intervention providentielle, Isabelle de Kéralio était définitivement condamnée.

En ce moment, sur les berges accores, des chasseurs se montrèrent. Attirés par le double coup de feu de Guerbraz, ils avaient assisté à la scène, vu la fuite de l’ours et la chute d’Isabelle. Dix hommes sautèrent sur le floe et organisèrent le sauvetage.