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Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/137

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terrompaient plus. En outre, le froid, par un retour offensif, rendait la manœuvre extrêmement pénible.

Pour la première fois Isabelle éprouva comme un regret de la résolution qu’elle avait prise. Non qu’elle craignît pour elle-même, bien que la part de souffrances, en ces conjonctures, fût au-dessus des forces d’une femme ordinaire. Mais la vaillante fille éprouvait le contre-coup des misères qu’elle voyait endurer par ses compagnons. Et, parmi ceux-ci, il en était un, ou plutôt une, dont les douleurs lui paraissaient plus particulièrement cruelles. La pauvre nourrice, Tina Le Floc’h, qui ne s’était point entièrement remise de la bronchite contractée dès le début de l’expédition, toussait maintenant d’une façon tout à fait inquiétante.

Or, en entendant cette toux, Je docteur Servan devenait sombre et fronçait le sourcil. Il avait beau prodiguer ses soins à la malade, il se rendait bien compte qu’il ne pouvait y avoir qu’un remède au mal : rapatrier la pauvre Bretonne.

Mais, par malheur, on était trop loin de France, à cette heure, pour que l’on pût espérer un retour suffisamment prompt. Sans doute il n’était pas un membre de l’expédition qui eût hésité à en sacrifier les résultats pour conserver les jours de la bonne nourrice. Hélas ! ce sacrifice eût été en pure perte. Même en reprenant sur-le-champ la route du midi, on ne pouvait espérer rentrer en France avant trois ou quatre mois, et ce, en supposant les conditions les plus favorables. Et, avec l’état actuel de l’océan, il n’était malheureusement pas à présumer que les glaces, ouvertes au nord, ne se seraient pas refermées sur les pas du navire.

On n’avait donc qu’une ressource : sortir au plus tôt de cette mortelle étreinte des tempêtes et débarquer sur un point