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Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/138

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de la côte où il devînt possible de faire une véritable station estivale, et, à la faveur de celle-ci, de tout préparer pour le prochain hiver.

Le 10 mai, le thermomètre marquait encore — 24 degrés. La neige s’étant un moment interrompue, le ciel se découvrit et permit aux navigateurs d’inspecter, du haut des barres de perroquet, le paysage maritime et terrestre qui les entourait.

Il était d’une grandiose horreur, d’une effrayante désolation.

Cette terre du Grœnland, jusqu’où donc se prolongeait-elle ainsi ?

Voici que, maintenant, la côte revenait au nord-est. Une presqu’île de falaises immenses, hautes de 600 à 800 mètres, se dressait en muraille infranchissable, et les roches de micaschiste et de syénite s’y laissaient voir sans une seule anfractuosité, sans un seul port où l’on pût chercher un abri.

En face de ce tableau il se produisit une sorte de terreur religieuse dans l’équipage. Quelques hommes se découragèrent et laissèrent échapper l’expression de ce découragement. L’un d’eux baptisa la côte d’un nom pittoresque. C’était un loustic qui avait habité Paris, et son mot eut la bonne fortune de ramener un peu de gaieté au gaillard d’avant.

« C’est la barrière d’Enfer ! » avait-il dit.

Et jamais terme de comparaison ne fut plus exact. Cette longue ligne ininterrompue était sinistre à voir, et l’Étoile Polaire n’apparaissait plus que comme un fétu de misérables dimensions au pied de cette palissade monstrueuse. En même temps, l’allée d’eau s’éloignait de la côte, laissant