Aller au contenu

Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/159

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tude et les angoisses nées de la longue attente dans l’oisiveté du trajet sur la mer.

Elle accueillit donc avec enthousiasme la proposition du débarquement.

Elle n’avait plus Guerbraz auprès d’elle, mais il lui restait Salvator.

Et ce fut en compagnie de Salvator que, le 5 juin, lorsqu’elle fut descendue à terre, lorsqu’on eut constaté que celle-ci n’était qu’une île, ou plutôt une sorte d’arête longue de 50 kilomètres, large à peine de 5 ou 4, Mlle de Kéralio se mit à gravir l’espèce de chaîne de montagnes qui la traversait dans toute sa longueur.

Elle avait besoin d’être seule. La contrainte qu’elle s’imposait depuis tant de jours, ou mieux depuis la séparation d’avec les voyageurs de la colonne, avait surmené ses nerfs. Une détente s’opéra. Assise sur une sorte de pic dénudé, à près de huit cents mètres d’altitude, dominant du regard les deux côtés de l’île, Isabelle ne put retenir ses larmes. Elles coulèrent abondantes et lourdes sur ses joues, débordant de son cœur trop plein et se mêlant aux reproches, aux vagues remords que suscitait sa conscience du plus intime de ses souvenirs.

Car elle s’accusait maintenant, la pauvre enfant, au milieu de ses sombres appréhensions, d’avoir été la cause involontaire, non seulement du chagrin qu’elle éprouvait, mais surtout des dangers qu’allaient courir, que couraient déjà peut-être, son père, son fiancé, leur vieil ami le docteur Servan, le fidèle Guerbraz, et tant d’autres braves gens, momentanément liés à sa destinée. Si elle s’était jetée résolument à la traverse des projets de M. de Kéralio, au lieu de les encourager par cette folle proposition de prendre elle-même sa part de l’aven-