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Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/161

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dages opérés successivement donnèrent un fond qui varia à diverses reprises de vingt à trente brasses. Le sol s’était donc prodigieusement relevé, et l’on était au-dessus d’une sorte de montagne sous-marine.

C’étaient ces hauts fonds qui se dressaient comme une infranchissable barrière devant la course des grands icebergs et, par leur présence, les rejetaient à droite et à gauche, réservant sans doute ce point central à la formation des glaces de l’année.

La perplexité du commandant Lacrosse ne fit que grandir.

À quel parti allait-il s’arrêter ? Tous les jours, des hunes, on signalait l’apparition de nouvelles masses paléocrystiques. Il fallait éviter de se laisser prendre dans cette invasion formidable, dont la poussée serait non seulement dangereuse pour la solidité du navire, mais dont la dérive pourrait fort bien l’entraîner à des centaines de milles dans une direction opposée à celle qu’il devait suivre.

En outre, les trois semaines d’attente étaient écoulées, et l’on n’avait pas retrouvé les voyageurs. Devait-on les abandonner dans ces régions inhospitalières, et assurer le salut des survivants en regagnant au plus tôt le cap Washington ? C’était là un redoutable problème qui se dressait devant la conscience et la générosité du capitaine et de ses officiers.

Ce n’était pas tout. Ces hommes pleins de courage et de résignation en face de leurs propres soucis et des menaces qui pouvaient se dresser devant leurs pas, tremblaient à la pensée des périls que devraient affronter les deux femmes leurs compagnes. En même temps ils n’osaient soumettre le dilemme au jugement d’Isabelle de Kéralio, ayant toutes sortes de motifs pour ménager sa tendresse filiale.