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Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/244

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Cette mer du pôle ne subissait donc pas l’action du gel intense qui régnait aux environs.

Plus que jamais s’alluma dans l’âme des voyageurs le désir de franchir la barrière de glaces, de pénétrer ce pôle mystérieux, latent derrière la formidable muraille d’icebergs.

Ils reprirent leur course, mais circulairement, cette fois, selon une parallèle qui suivait la bordure de l’océan paléocrystique.

Partout, ils purent constater les mêmes cassures nettes, tranchées, aigües, mais polies, peu à peu émoussées par l’action des flots. Çà et là, le pack, d’une épaisseur variant entre 12 et 18 mètres, était coupé de rides, de crevasses, d’allées, généralement étroites, et qu’on pouvait sauter à pieds joints. Mais il était, dès à présent, visible que sous l’action des tempêtes du sud, il pouvait se disloquer en grands quartiers, et laisser entre eux de vastes canaux susceptibles de livrer le passage à un grand navire.

Nares avait donc eu raison à son point de vue, Lockwood au sien : le premier, en affirmant, d’après son lieutenant Markham, que la mer libre est un mythe ; le second, dans son voyage de 1883, en déclarant qu’il avait vu les flots battre librement les côtes septentrionales du Groenland.

Résumant l’impression de tous, Hubert d’Ermont conclut que l’action du froid, variable avec les années plus encore qu’avec les saisons, devait s’exercer surtout sur les moindres surfaces de l’océan, et que la zone libre qu’on avait sous les yeux ne devait son immunité qu’à la présence de quelque courant très chaud qui passerait sous le pôle lui-même.

Il n’y avait plus à hésiter, Hubert donna l’ordre de mettre à l’eau l’une des chaloupes, et s’embarqua en compagnie du