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Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/321

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La pauvre Bretonne était perdue, et elle le savait. Avec une résignation admirable, elle se soumettait au décret qui lui retranchait des jours qu’elle aurait peut-être vécus dans son doux pays de France. Elle n’avait pas une parole amère, mais elle laissait éclater sur ses traits la joie que lui causait le voisinage de cette enfant qu’elle avait nourrie de son lait, dont elle avait été en quelque sorte la seconde mère.

Elle traînait péniblement son existence condamnée, entre les murs de planches de ce navire immobile, dans cette atmosphère peu favorable à la respiration, dans la clarté factice des lampes électriques. La nuit polaire lui semblait plus pesante qu’à tout autre. Elle la subissait toutefois sans murmurer.

L’hiver était d’une rigueur atroce. Les grands froids de l’année précédente étaient dépassés. Le 20 novembre, le mercure des thermomètres fut gelé. Le 1er décembre, ce fut le tour des acides et des alcools, qui s’épaissirent en une sorte de sirop. À partir de ce moment, la température se maintint presque constamment à 40 degrés au-dessous de zéro. Dans les premiers jours de janvier, elle descendit à ces niveaux mortels où le froid se montre foudroyant : 50, 52, 54, 56 degrés au-dessous de zéro, une rigoureuse hygiène fut ordonnée et appliquée. Défense fut faite aux hommes de sortir, et on la maintint pendant une semaine entière.

Alors aussi, on dut renoncer au chauffage au charbon, et, derechef, l’hydrogène brûla dans les poêles installés dans le carré, dans le poste des matelots et dans les cabines. On conserva de la sorte une température presque constante de 4 degrés.

Par bonheur, l’hiver, s’il fut terrible, fut aussi relativement court.