Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/34

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reux, avait pensé M. de Kéralio, si l’on ne parvenait pas à se frayer un passage en deçà du 30e degré de longitude orientale, entre le Spitzberg et les terres fragmentaires de la Nouvelle-Zemble. »

Le commandant Bernard Lacrosse avait combattu ce projet, et les raisons qu’il avait invoquées pour le combattre étaient fort concluantes. Outre qu’on allait ainsi à l’aventure, on négligeait bénévolement, et par une sorte de fanfaronnade, de mettre à profit l’expérience des devanciers, notamment les découvertes précises faites sur la Terre de Grinnell, en 1875 et 1876, par Nares, Markham et Stephenson, plus récemment, de 1881 à 1884, par Greely, Lockwood et leurs vaillants et infortunés compagnons.

Bernard Lacrosse raisonnait avec un bon sens souverain.

« Au moins, disait-il, en suivant cette voie, aurons-nous un chemin tout ouvert jusqu’au 83e parallèle. Le canal et le détroit de Smith, la baie de Lady Franklin, sont aujourd’hui des points de repère suffisants pour des gens de savoir et d’énergie. »

Il ajoutait, non sans apparence de vérité :

« Il est à craindre, d’autre part, que la débâcle ne nous rende le chemin très difficile dans une région où les terres sont rares, et ne nous entraîne malgré nous vers l’ouest. Ce serait du temps perdu, puisqu’il faudrait hiverner au voisinage de l’Islande, et ce avec le grave inconvénient d’épuiser nos ressources au tiers seulement du parcours. »

Son avis ne devait que trop tôt être confirmé par les faits.

Dès le 16 mai on s’aperçut que le champ de glace, imparfaitement rompu, ne donnait aucun passage à L’Étoile Polaire.

Les multiples tâtonnements auxquels on se livra n’aboutirent