Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/35

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qu’à une perte de temps, et, malgré tous les efforts, le 25 mai, on était rejeté de quatre degrés dans l’ouest. La voie, obstruée à l’orient, semblait, par une singulière ironie, s’aplanir d’elle même au couchant.

L’entêtement de M. de Kéralio céda devant cette démonstration des faits eux-mêmes, et, se rendant aux sages conseils du capitaine, il fut le premier à conclure en faveur d’un changement de direction.

À la satisfaction générale, on abandonna donc la route fermée au nord-est pour se diriger vers l’horizon contraire, et L’Étoile Polaire mit résolument le cap sur la pointe méridionale du Spilzberg.

La mer se faisant de plus en plus libre, on y parvint vers le 15 juin. Il y eut, ce jour-là, quatre-vingts jours d’écoulés depuis le départ de Cherbourg. On était au 78° degré de latitude boréale. Il n’en restait que cinq à franchir pour atteindre le point extrême des investigations humaines. Mais chacun savait que l’on touchait à la limite, et que désormais allait commencer la véritable campagne, pleine de luttes et d’efforts. Pour franchir trois de ces degrés en traîneaux, Nares, Markham, Stephenson, puis Greely, Lockwood et Brainard, avaient mis deux mortelles années.

Il fallait se hâter. L’été des pôles est fort court, et, juillet passé, le refroidissement commence. Depuis que l’on avait dépassé le Cercle polaire, on ne faisait plus aucune consommation de luminaire, le soleil de minuit fournissant tout l’éclairage. Depuis près d’un mois, les glaces disjointes et fuyantes ne se montraient plus qu’à l’état de fragments peu considérables. Mais le commandant avait hoché la tête et répondu en souriant aux exclamations étonnées de Mlle de Kéralio :