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Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/46

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UNE FRANÇAISE AU PÔLE NORD

ment. On vit tomber une des vaches et un des veaux. Le mâle, atteint lui aussi, se releva pourtant et se mit à détaler avec les deux autres fugitifs, laissant derrière lui une traînée de sang.

Ce n’était pas le compte du matelot Guerbraz, qui l’avait touché à la hanche. Sans prendre garde au danger qu’il courait, le Breton s’élança à la poursuite de l’animal à grandes enjambées, et parvint à lui couper la retraite.

Alors la scène changea brusquement et devint extrêmement dramatique.

Guerbraz, pêcheur d’Islande et de Terre-Neuve, vieux routier du pôle, était doué d’une vigueur prodigieuse. Déjà il avait détaché de sa ceinture une hache à manche court avec laquelle il se proposait de frapper l’animal sur la nuque, plus bas que la redoutable calotte que lui font ses larges cornes, quand le taureau, renonçant à la fuite, fit tête à l’assaillant et revint sur lui de toute la vitesse de sa course.

Guerbraz, emporté par son propre élan, et de plus entraîné sur une pente du coteau, n’eut pas le temps de se garer. La bête furieuse le rencontra à la descente. Par bonheur, le choc ne se produisit pas directement, et le bœuf musqué ne toucha son adversaire que d’un coup d’épaule, qui le fit rouler sur le sol rocailleux.

Mais le taureau, après avoir dépassé le marin d’une trentaine de mètres, s’était arrêté et, revenant sur ses pas, allait le piétiner ou le lacérer de ses cornes. Guerbraz, étourdi par la chute, ne pouvait se mettre en garde.

Soudain une nouvelle détonation retentit, et l’ovibos, foudroyé, tomba mort aux pieds du matelot frappé de surprise.

Isabelle ; accourait, l’arme fumante. Guerbraz saisit la main de la jeune fille et la baisa pieusement.