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UNE FRANÇAISE AU PÔLE NORD

s’étant offert à fournir foule la lumière désirable pendant le séjour à Fort Espérance.

Ce ne fut pas tout. Sous l’habile direction d’Owen Carré et de son lieutenant Jim Cleriksen, Esquimau ramené de Frederikshaab, les chiens lurent promptement dressés et entraînés pour les exercices de la course. Ceci apportait un plat nouveau à la carte des jeux, à savoir, les concours de traîneaux sur la glace du pack.

Parmi les chiens grœnlandais, payés très cher, se trouvaient six bêtes d’une beauté admirable, appartenant à l’espèce que l’on dénomme terre-neuve d’une désignation générique, et d’une façon plus spéciale, labrador.

Le labrador, en effet, est plus bas sur pattes que le terreneuve proprement dit. Il est aussi plus vigoureux en général, mais assurément moins bien doué sous le rapport de l’éducabilité et des bonnes mœurs. Le larcin lui est chose habituelle, et il n’a jamais connu le respect du bien d’autrui ou des misères du prochain.

Le beau Salvator, venu de France, ne manifestait que trop ouvertement son immense dédain pour la plèbe des tireurs de traîneaux. Il affectait, à l’égard de ses congénères labradors, cette espèce de supériorité hautaine, d’ascendant intellectuel que les gens des villes acquièrent sur les campagnards. Au reste, il était bon prince, et nul ne songea à lui disputer l’empire. Sa distinction incontestable, sa force vraiment prodigieuse, lui garantissaient le respect des demi-sauvages avec lesquels il daignait parfois faire un bout de causette dans le patois ordinaire des chiens. Le reste de son temps était consacré au service particulier de ses maîtres, ou plutôt de sa maîtresse. Il était le compagnon assidu d’Isabelle de Kéralio,