Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/67

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son escorte dans les courses parfois hasardeuses qu’elle faisait aux alentours du fort. Bientôt il devint son guide, et l’instinct infaillible de l’animal prévint plusieurs fois la jeune fille des dangers qu’elle pouvait courir, notamment en une occasion où celle-ci, sans y prendre garde, allait se jeter à la tête d’un ours gigantesque en tournée aux environs du campement.

Si Salvator était pour Isabelle un garde du corps à quatre pattes, elle n’en avait pas moins un serviteur et un ami dévoué en la personne d’Alain Guerbraz, le matelot breton qu’elle avait sauvé du retour offensif du bœuf musqué.

Guerbraz était un de ces hommes extraordinaires auxquels Dieu a départi, pour la stupéfaction de l’espèce humaine, une de ces vigueurs prodigieuses qui semblent ne devoir être le lot que des grands pachydermes.

Ce Breton était fort comme un rhinocéros. Il jonglait avec des poids de cinquante livres, broyait d’un coup de barre de fer le crâne de n’importe quel animal, et quand ses mains, véritables grappins d’arbordage, s’étaient fixées sur un objet, on aurait pu les couper, mais non les faire lâcher prise.

Il avait désormais voué à la défense d’Isabelle de Kéralio une existence dont il ne devait la conservation qu’à l’intervention aussi courageuse qu’opportune de la jeune fille.

De son côté, la jeune fille se montrait sensible à cet attachement si simple et si touchant, et, en toute occasion, manifestait à Alain Guerbraz sa confiance. Rien ne pouvait mieux récompenser le paisible colosse de son dévouement que la constatation en Isabelle de ce sentiment de sécurité qu’elle éprouvait sous sa garde.

Cependant les approches de la grande nuit polaire faisaient sentir leur influence sur les esprits. Les Canadiens seuls sem-