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Page:Maël - Une française au pôle Nord, 1900.djvu/92

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Jusqu’au solstice, ce qui restait de jour n’en méritait pas le nom. C’était une sorte de crépuscule vague, bordant parfois de teintes éclatantes l’extrême limite de l’horizon. En prévision du grand départ fixé au 15 avril, on avait consacré les journées décroissantes de l’automne à des explorations aux alentours, et, peu à peu, les voyageurs avaient pris connaissance de leur domaine. Ces courses se faisaient toujours avec accompagnement de traîneaux tantôt attelés de chiens, tantôt tirés par les hommes eux-mêmes. Dans l’un comme dans l’autre cas, c’était un dur apprentissage, et le pôle montrait chaque jour davantage avec quelle âpreté de résistance il défend ses abords contre la curiosité des humains.

Les premières traînées surtout furent terribles. Les organismes n’étaient pas encore acclimatés à ces effroyables températures de 24, 28, 32 et 36 degrés au-dessous de zéro qui sévirent presque invariablement du 15 octobre au 1er mai. Et cependant les voyageurs avaient mis à profit l’expérience de leurs devanciers. Au lieu d’étoffes épaisses et lourdes, ils avaient adopté pour leurs vêtements les laines douces et légères, qui laissent le jeu des membres libre. Un double pantalon, un tricot revêtu lui-même d’une vareuse de molleton, et, brochant sur le tout, un pardessus court en fourrure, une casquette à revers, des basanes de toile formant hottes et pourvues de semelles de bois à gros clous, des mitaines de laine au-dessus de gants de peau fourrés, tel était le vestiaire des hommes.

Il va sans dire qu’Isabelle avait dû adopter un costume analogue, préparé de longue date.

Quant à la nourrice, Tina Le Floc’h, elle prenait, sous cet