Puis je descendrai, pareil aux devins,
Vers les endroits fuis des oisillons vains,
Dans les antres noirs et les vieux ravins ;
Je me suspendrai comme les sorcières
Au bord des torrents dévalant des pierres
Et s’éparpillant en mille poussières,
Et j’arracherai les ronces ; mes bras
Racleront les rocs que je tondrai ras,
Et j’émonderai les houx scélérats ;
Et je fouillerai la haie et la sente.
Cherchant la ciguë âpre et malfaisante.
Et l’ortie à la piqûre cuisante…
Ainsi je ferai. Mie, appareillant
Une flore étrange et lugubre, ayant
Le renom mauvais ou l’air effrayant.
Et dans cet amas farouche, où voltige,
Papillon des deuils, mon sombre vertige,
Je planterai, droit et fier sur sa tige,
Un lis plein de grâce et de majesté,
Répandant de son calice argenté
Des parfums joyeux et de la clarté,
Ô très chère ! car mon amour candide
Au sein de mon âme horrible et sordide
Verse doucement sa blancheur splendide.
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Au hasard de mes souvenirs, je citerai encore l’Ancienne,
la Pyrénéenne, la ballade de la Fiancée. Que de joyaux de
prix dans ce recueil des Fauves où le poète, déjà miné par le
mal qui devait l’emporter, mit toutes ses souffrances et tout
son cœur !
Mort aussi, Charles Cros ! Et celui-là, par ses facultés si
diverses, son esprit presque universel, aussi apte à saisir les
hautes spéculations métaphysiques qu’à rendre les côtés
comiques de l’existence, je dirais même son génie, celui-là mérite
bien une mention spéciale. Qui n’a été pris d’un fou rire
irrésistible en entendant Coquelin cadet réciter l’Obsession,
l’Homme raisonnable, le Hareng saur, le Bilboquet, ces monologues
premiers-nés du genre, car Charles Cros est l’inventeur
du monologue et, du premier coup, il l’a poussé à sa
perfection ! Qui croirait que l’auteur de ces morceaux désopilants
est le même qui composa les idéales poésies du