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BALLADE
DE LA DEMOISELLE CHAUVE


Sachez que j’ai baisé sa chevelure, un soir,
Préludant aux douceurs d’une nuit tarifée !
Pareille aux rayons d’or d’un vivant ostensoir
Elle encadrait si bien sa tête décoiffée
Qu’elle a ravi mes yeux ! Ô blonde ébouriffée,
Que j’appelais alors la belle au bois dormant !
Mais, depuis, jamais plus je ne fus son amant !
Elle n’était, hélas ! cette auréole fauve,
Qu’un simulacre vain, un trompeur ornement !
Laissez dormir en paix la demoiselle chauve !

Au banquet de l’amour allez donc vous asseoir,
Naïf passant qu’appelle une voix étouffée !
Croyez donc aux cheveux qu’on déroule au boudoir !…
Le démon du désir, nocturne coryphée,
Guette avec des parfums votre tête échauffée.
La charmeuse se frise avec acharnement,
Croyant qu’on peut user du fer impunément !
Elle entasse à plaisir verveine, iris, guimauve,
Jusqu’au jour où son crâne est nu complètement !
Laissez dormir en paix la demoiselle chauve !