Page:Mac-Nab - Poèmes mobiles, 1890.djvu/86

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Figurez-vous que ma fiancée… Yolande… elle s’appelle Yolande de Cœur-Volant ; quel joli nom ! ça vous met l’eau à la bouche… (Il envoie un baiser en l’air.) Yolande !… Figurez-vous que ma fiancée… eh bien, le jour de son baptême elle est tombée assise dans la poêle à frire !

Horrible, n’est-ce pas ?

Le baron son père était comme fou : il lui en est resté un tic ! (Geste.)

La baronne sa mère s’arrachait les cheveux : elle est chauve depuis cette époque !

C’est que ce n’était pas une brûlure ordinaire ; vous allez voir :

La poêle à frire, ainsi que tout le reste du mobilier, était marquée aux armes des Cœur-Volant : eh bien, depuis son accident, ma fiancée porte, sur son verso, d’argent aux trois cœurs ailés de gueules avec cette devise : Sursum corda !

Horrible, n’est-ce pas ?

On a tout fait pour faire disparaître cette tache.

Pourtant, la peau ça repousse à tout âge.

Eh bien, ça n’a pas repoussé ! ça se voit plus que jamais. (C’est ma belle-mère qui le dit ; moi je n’ai pas vu !…)

Et savez-vous pourquoi ça se voit plus fort que jamais. Je me l’explique très bien : il paraît qu’au-dessous de l’écusson, à droite de l’exergue, on lit cette date : 1652.

Seize cent cinquante-deux ! Comment voulez-vous qu’on guérisse une brûlure aussi ancienne ?

Voilà donc ma pauvre fiancée défigurée pour toujours !