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LE BAR DU « POISSON SEC »

― De l’or en barre.

― Ouais, ouais, alors jé balance Céliné ; jé ferme la boutique et jé vous suis.

― Vous avez raison ; on ne doit jamais hésiter quand l’occasion se présente. L’occasion est belle cette fois. J’ai des tas de choses à vous confier. Liquidez votre situation et ce soir à dîner, je vous expliquerai tout par le menu. Je vous connais, Heresa, vous n’êtes pas un petit garçon et vous appréciez la valeur des mots. Quand vous serez au courant de mes projets, vous serez forcé d’avouer que je ne suis pas une gourde, moi non plus.

Le capitaine Heresa était petit et maigre. Il portait ostensiblement un ventre ballonné, qui lui servait, disait-il, de ceinture de sauvetage.

Selon les traditions, tombées en désuétude des hommes de la mer, il se rasait entièrement le visage, mais se le rasait mal. Sa barbe brune opulente le désespérait en couvrant d’un lavis bleuâtre l’espace compris entre le nez et la lèvre supérieure et la peau de ses joues, naturellement d’un vert olivâtre. Édenté à la suite d’un tas de compromissions dans des établissements interdits au commun des mortels, il séduisait néanmoins les femmes par un je ne sais quoi qui restera toujours un mystère pour le plus subtil