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VERS L’AVENTURE

monotone en s’accompagnant. Powler, le mulâtre, les bras croisés sur sa poitrine, écoutait en marquant la mesure avec ses pieds nus ; Fernand, le nègre, sa casquette de cricket enfoncée sur les yeux, sifflait.

― Donne, fit-il, en tendant ses longues mains délicatement plissées dans la direction de l’instrument.

― Donne-lui donc, fit Krühl, il ne te l’abîmera pas.

Bébé-Salé tendit l’accordéon au nègre, qui tout d’abord essaya quelques accords pour juger de la valeur et de la souplesse de l’instrument… Puis il éclata de rire, et lança ses jambes dans une gigue compliquée, rythmée par l’accordéon poussif. Essoufflé, il dut s’appuyer contre Bébé-Salé.

― Donne, fit celui-ci qui ne pensait qu’à reprendre l’accordéon qu’il venait de prêter.

Fernand le lui rendit et Bébé-Salé, après l’avoir examiné soigneusement sur toutes les coutures, reprit son chant monotone dont la plainte se mêlait au vent.

Il vente
C’est le vent de la mer qui nous tourmente.

― Dites donc, Krühl, fit Eliasar, et la mère Plœdac ?

Krühl, les traits durcis, ne répondit pas. La musique agissait sur lui, comme un alcool puis-