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LA CÔTE


Le lendemain, le temps se découvrit. Un soleil de fin d’hiver, pâle comme une rouelle de citron, éclaira les tas de goémons et les rochers de la Côte. L’île de Groix, à l’horizon, s’allongeait sur l’eau comme un croiseur de bataille.

Alors l’auberge Plœdac révéla les détails de son architecture, sa terrasse où des têtes de thons achevaient de pourrir depuis l’été dernier.

― Ce n’est pas un paysage suffisant pour y élever des négresses, pensa Krühl. Ce cochon de Boutron m’a fait boire du rhum. J’ai vu les Antilles dans un coquillage calédonien et c’est mon estomac qui réglera les frais de ce voyage. Aujourd’hui, c’est vendredi, jour consacré à Vénus. Si je vois Pointe, je l’emmènerai faire une manille à Belon, avec Bébé-Salé.

Il passa sa blouse de chasse, mit sa casquette et descendit dans la salle à manger où son déjeuner du matin l’attendait.

Les deux Bretonnes s’affairaient dans la cuisine. Krühl, son café au lait absorbé, promena son regard autour de lui.

La petite salle blanchie à la chaux et la grande table déserte accrurent son indécision. Les mains dans les poches, il arrêta ses regards sur la cloison de bois que les artistes de passage avaient décorée.