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LE CHANT DE L’ÉQUIPAGE

alors que ce dernier croyait déjà toucher de la main le but de son voyage.

― Vous avez été couvé dans un appareil frigorifique, répondait Krühl.

― Né l’écoutez pas, intervenait le capitaine, né l’écoutez pas, c’est le mauvais cafard qui lé travaille touté la nuit. Jé né dis pas qué cé séra facile, mais il y a toutes les chances pour nous. Dans un mois nous saurons à quoi nous en ténir, et j’ai la conviction qué la source du Pactole, cé fleuve fabuleux, sé trouvera dans un ou plusieurs coffres en chêne avec des ferrures comme on n’en fait plus dé notré temps.

La cabine de Krühl était le lieu de rendez-vous choisi par les habitants de l’arrière pour se communiquer leurs impressions.

On y buvait frais et avec abondance, et l’on y dégustait quotidiennement les friandises confectionnées par les mains adroites du mulâtre.

― Ah ça c’est bon, Powler, s’écriait Krühl devant l’excellence de la pâtisserie.

Powler avait acquis de ce fait une prépondérance marquée sur Bébé-Salé qui, de dégoût et de fureur contenue, rendait un culte dévot au tonneau de tafia dont il avait la garde.

Fernand, le nègre, avait su s’attirer son amitié, tout simplement parce qu’il détestait, autant qu’une dent cariée, l’abominable sang-mêlé, détenteur de la faveur du grand patron.

― Tu verras, tu verras, disait Fernand à